Le Moyen-Orient n’a pas toujours été une destination prioritaire de voyages. L’Iran, malgré son passé incroyable et son présent moderne ne fait pas exception. Cependant, depuis quelques années, ce pays admirable, malgré une circulation d’informations négatives dans les médias est redevenu en vogue.
Après plusieurs années de travail à guider en Iran des touristes étrangers, j’ai dressé une liste des stéréotypes que j’ai rencontrés le plus fréquemment.
1. L’Iran est un vaste désert
L’Iran est un vaste territoire, c’est vrai ! Il est en réalité trois fois plus grand que la France.
Il possède également les déserts les plus spectaculaires, l’un d’eux – le désert du Lut– est inscrit au patrimoine naturel de l’UNESCO.
Son espace comprend 147 sommets de plus de 4000 mètres dont certains sont couverts de neiges et de glace éternelles. Nous avons plusieurs stations de ski sur le versant sud des monts Alborz et dans les chaînes occidentales du Zagros.
Le pays est également pourvu de grandes forêts. Le nord du pays est recouvert d’est en ouest par une ceinture qui regroupe les forêts mixtes hyrcaniennes caspiennes. Elles sont également inscrites au patrimoine de l’UNESCO, aux côtés des rizières, des plantations de thé et des petits villages dissimulés. Dans l’ouest, la végétation est également différente et unique, en particulier avec les chênes dorés du Luristan.
2. L’Iran a de mauvaises infrastructures
L’Iran est un pays riche en ressources naturelles ; c’est la principale raison pour laquelle il peut résister actuellement aux sanctions américaines, malgré leurs effets néfastes pour le pays
Depuis 1950, le pays s’est fortement développé et modernisé grâce à l’argent du pétrole. La qualité de ses infrastructures terrestres et aériennes est une des surprises pour les étrangers à leur l’arrivée.
Les réseaux routiers et autoroutiers sont remarquables et très bien asphaltés ; ils quadrillent tout le pays et à peu près tous les itinéraires sont possibles avec des bus très confortables et propres.
Les chemins de fer relient également les quatre coins du pays avec des horaires flexibles.
Les services aériens sont également très élevés ; il y a des aéroports presque partout et des vols quotidiens de Téhéran vers toutes les capitales provinciales.
En raison des sanctions, il n’est cependant pas possible de réserver et de payer en ligne avec une carte de crédit depuis l’étranger, mais vous pouvez demander à une agence de voyages iranienne de réserver vos billets.
3. Les femmes iraniennes sont effacées et invisibles dans la société
Les femmes couvertes du tchador noir seraient écartées de toutes les activités sociales. Cette image, en partie fausse, est cependant la plus répandue dans les médias occidentaux et ne correspond pas à la situation de la majorité. En effet, il n’est certes pas facile tous les jours d’être une femme en Iran, mais ces dernières sont aussi très énergiques et luttent pour leurs droits. Au cours des dernières décennies, elles ont pu se frayer un chemin dans les domaines jusqu’alors réservés aux hommes. La majorité des étudiantes sont des filles (60%) ; elles contribuent fortement à la formation de l’image de l’Iran moderne, dans les secteurs politique, scientifique, technologique, social et artistique. Les mouvements féministes sont actifs depuis la révolution de 1979. A titre personnel, en tant que jeune femme iranienne ayant grandi dans une famille traditionnelle, mon éducation et mon indépendance financière ont toujours été une priorité.
Une autre surprise pour les étrangers, c’est la façon qu’ont les femmes de s’habiller et de transformer la tenue du voile en accessoire de mode. Ce comportement est très éloigné de l’obligation du port de longues tenues noires.
4. En Iran, ils tuent les homosexuels et les transsexuels
L’Iran est un pays islamique avec une société traditionnelle. L’homosexualité est toujours un tabou et est officiellement illégale depuis la révolution de 1979 et punissable si elle est prouvée par deux témoins oculaires. Néanmoins, la peine de mort n’est généralement pas appliquée dans ce cas, d’autant plus, comme vous l’aurez compris, il est assez difficile de prouver l’homosexualité d’une personne. Les homosexuels doivent cependant veiller à rester discrets à l’extérieur. La situation des transsexuels est complètement différente car elle est légale, depuis une fatwa célèbre de Khomeiny, et les opérations sont financées en partie par l’Etat.
Si vous êtes gay ou lesbienne et que vous avez l’intention de voyager dans le pays seul ou avec votre conjoint, vous n’avez pas du tout à vous préoccuper de cette question. Personne ne vous interrogera en effet sur votre sexualité ou ne remettra en question vos relations dans votre vie intime. Selon les règles non écrites en Iran, une fois que vous êtes dans votre espace privé, vous êtes libre de faire ce que vous voulez. Cependant, en parler ou embrasser une personne du même sexe en public n’est pas conseillé, car cela pourrait provoquer un choc culturel, voire offensant pour certaines personnes.
Pour plus d’informations, je peux volontiers répondre à vos questions à ce sujet.
5. Les Iraniens parlent l’Arabe
Il s’agit d’une erreur, car la langue officielle en Iran est le Persan. C’est une langue indo-européenne, c’est-à-dire qu’elle est plus proche du Français ou de l’Anglais que de l’Arabe. Elle était parlée en Iran bien avant l’émergence de l’Islam. Après l’invasion du pays au VIIème siècle ap. J.-C. par les troupes arabes, la langue de ces derniers est devenue officielle en Iran durant plus de deux cents ans. Néanmoins, au IXème siècle, les dynasties locales et nationalistes telles que les Samanides ont commencé à faire revivre la langue d’origine avec l’aide de la littérature persane.
Celle-ci était désormais notée avec l’alphabet arabe (attention à ne pas confondre langue et système d’écriture !!) et il en est resté ainsi depuis. Par conséquent, nous écrivons le Persan en Iran avec l’alphabet arabe alors qu’il est écrit au Tadjikistan avec l’alphabet cyrillique.
Cependant, l’Iran présente une grande variété d’ethnies et par conséquent de langues et de dialectes.
6. Tous les Iraniens sont des Perses
Comme je l’ai déjà dit, les Iraniens sont officiellement tous persanophones mais tous ne se considèrent pas comme des Perses.
En fait, l’Iran abrite une grande variété d’ethnies avec les Arabes, Kurdes, Azeris, Turkmènes, Balouches, Lurs et la communauté afghane née ici.
Au cours d’un voyage, vous pourrez croiser des personnes de différentes langues, cultures ou religions vivant paisiblement dans le même pays.
7. La musique iranienne ressemble à la musique indienne ou arabe
Je me souviens avoir proposé une fois à une voyageuse étrangère de saisir l’occasion de participer à un concert de musique traditionnelle iranienne et celle-ci m’a répondu à ma grande surprise : «Je connais très bien la musique iranienne car je vis à proximité d’un centre culturel arabe».
S’il y a certes des similitudes et des influences réciproques entre ces deux musiques, elles n’en demeurent pas moins distinctes. Avec une tradition remontant au moins au 4ème millénaire av. J.-C., la musique traditionnelle présente de nombreuses variations régionales et vous pourrez en faire l’expérience durant votre voyage en visitant le musée de la musique d’Ispahan ou celui de Téhéran. Ces deux conservatoires sont parfaits pour flâner, apprendre ou écouter en direct cet art ou découvrir des instruments tels que le tar, le setar, le tambur, le qeychak, etc.
Voici une courte vidéo du professeur de musique de mon frère jouant du Setar.
8. La cuisine persane est très épicée
Non, nous ne sommes pas en Inde ici !! Les goûts culinaires persans sont d’ailleurs assez proches des palais français !
Nous utilisons dans notre cuisine de nombreuses épices et aromates, mais les plats épicés sont généralement une spécialité dans le sud et sud-est du pays et, à vrai dire, les Iraniens n’apprécient pas vraiment les plats très épicés
De nombreux plats iraniens sont confectionnés avec du curcuma, du cumin, de la noix, du jus de grenade, des oranges amères, des citrons séchés, du jus de tomate et différents mélanges d’herbes et de légumes… La couleur et le goût des plats iraniens résultent du mélange de ces ingrédients et leur découverte sera l’une des principales attractions de votre voyage en Iran.
9. Les Iraniens sont des terroristes
Cette section pourrait avoir besoin d’une longue explication, mais j’essaierai ici de la résumer en quelques phrases. Je ne suis pas ici pour aborder les divers conflits diplomatiques ou politiques entre les différents Etats du Moyen-Orient.
Nous vivons tous dans un monde, où même parfois dans les pays démocratiques, il peut y avoir une grande différence entre une population et son Etat mais l’Iran n’a jamais envahi un pays ou imposé une guerre à aucune nation.
En outre, notre pays a toujours condamné les attaques des extrémistes et terroristes à travers le monde dont les Iraniens ont souvent été les victimes ; l’Iran a été l’un des piliers de la lutte contre Daesh en Irak et en Syrie.
Pour plus d’informations à ce sujet, veuillez consulter mon article sur la sécurité en Iran ainsi que l’article sur la version iranienne de l’Islam.
10. Les Iraniens détestent les Occidentaux
L’une des images tenaces est ce peuple en noir en train de manifester dans les rues tout en brulant les drapeaux américains. C’est vrai, mais ce n’est pas tout le reflet du pays. Les Iraniens sont connus pour leur hospitalité.
En fait, je crois qu’après votre voyage, ce qui vous impressionnera et marquera le plus en Iran, ce ne sont ni la nature ou les magnifiques monuments historiques, mais l’accueil de sa population. Les Iraniens ne sont pas du tout timides. Ils adorent se faire prendre en photo et discuter avec vous.
Une des possibles raisons de cette hospitalité, c’est qu’après un isolement imposé depuis des décennies, ils sont ravis de vous voir dans les rues et souhaitent savoir ce que vous pensez de leur pays car ils savent que l’image de l’Iran est très souvent ternie dans certains médias occidentaux.
Cependant, si vous lisez ce blog et si vous prévoyez de voyager en Iran ou souhaitez seulement en savoir plus, vous êtes à mi-chemin et libre des préjugés véhiculés dans les médias.