Le cinéma iranien est connu du monde entier grâce à de grands réalisateurs comme Kiarostami, Farhadi ou Rasoulof. Leurs films ont remporté de nombreux prix dans des festivals internationaux et leurs films sont largement regardés et loués dans le monde entier.
Mais il y a un autre ensemble de production cinématographique en Iran, aussi intelligent que ces célèbres films internationaux, mais moins connu même pour les Iraniens eux-mêmes.
En partie, parce que la plupart de ces films n’avaient pas assez de budget pour la publicité ; une autre raison est que certains de ces films ont été interdits pendant plusieurs années en raison de la réglementation stricte du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique.
Ici, j’ai l’intention de parler de cinq films contemporains que j’ai personnellement appréciés. Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive.
Ashghal haye doust dashtani (Les déchets bien-aimés)
Le nom de Mohsen Amiryousefi n’est peut-être pas aussi connu que Asghar Farhadi ou Jafar Panahi, mais il est, néanmoins, reconnu sur le plan international comme réalisateur avec seulement trois films dans sa carrière.
Son premier film, Le rêve amer (2004) n’a été autorisé à être rendu public qu’en 2016. Le deuxième film, Atashkar (Le travailleur du feu) (2009) a également fait l’objet de modifications et de censure. Cependant, les deux films étaient déjà connus dans des festivals internationaux comme Cannes, Montréal, Chicago, Tokyo et nominés pour des prix prestigieux.
Le point commun de ses films est la comédie noire qui vous fait souffrir et sourir en même temps. Il met le doigt sur des sujets très sensibles de la société iranienne. Par exemple, dans Le Rêve amer, il joue avec la mort et l’idée religieuse musulmane de l’ange de la mort, Azrael, dans une petite ville. Un point intéressant de ce film est que les acteurs ne sont pas professionnels et jouent en fait leur rôle réel.
Son deuxième film, Le travailleur du feu (2009), a été également primé à l’international. Comme le précédent, le film chatouille les croyances traditionnelles et religieuses iraniennes. L’histoire parle d’un homme dont la femme demande de pratiquer une vasectomie, une opération qui reste un tabou pour les hommes iraniens. Cette ironie moderne décrit la diminution des valeurs patriarcales dans la société iranienne traditionnelle, par opposition à la montée du modernisme.
Son troisième film a été prohibé durant huit ans. Si son réalisateur a refusé de le diffuser à l’étranger, il a néanmoins attendu son autorisation de sortie pour le présenter au public iranien avec quelques modifications et coupures.
Le film décrit les événements autour de l’élection présidentielle de 2009 et ses conséquences. Dans une ancienne maison à Téhéran, une femme âgée vit seule et voit rarement son entourage, sauf sa cousine, Sima, une activiste politique. Un jour, durant quelques heures, Sima et plusieurs manifestants se réfugient dans sa maison. Après leur départ, elle remarque un signe sur la porte d’entrée, ce qui lui laisse à penser que la police la surveille et pourrait perquisitionner son domicile.
Alors, elle essaie de se débarrasser de tout ce qui pourrait lui causer des problèmes ; ses souvenirs se brouillent dans sa tête et elle ne peut plus distinguer le rêve de la réalité. Elle s’imagine parler aux photos de ceux qui sont partis et dont le seul vestige est leur photo sur le mur. Son mari décédé, était autrefois un partisan du roi, mais est devenu hypocritement religieux avec l’avènement de la République islamique.
Son premier fils, un révolutionnaire islamique, est allé à la guerre contre l’Irak et a été tué. Un deuxième fils, après avoir passé son diplôme, a immigré aux Etats-Unis, pour fuir le régime politique et social mis en place et pour avoir de meilleures conditions de vie. Enfin, son dernier fils qui était membre du parti communiste et révolutionnaire actif, s’est retrouvé emprisonné puis exécuté quelques années après la révolution 1979.
Les divers personnages incarnent des thèmes sensibles. Néanmoins, le scénario est doux, familier et tangible. Cette femme, c’est l’Iran qui a traversé beaucoup de choses au cours de l’histoire et c’est aussi la mère avec ses nombreux enfants qui l’aiment malgré tous leurs désaccords. En tant que femme iranienne trentenaire, je peux facilement me projeter sur les évènements décrits par ce film, avec les photos, au mur, de ceux qui sont partis, comme pour de nombreuses autres familles iraniennes qui ont perdu des membres lors des dernières décennies.
Voila la bande-annonce de ce film :
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